Notre nuit dans le désert

Au Colorado, les paysages sont définis par les vallées et les montagnes. Cette chaîne de montagnes qui traverse l’État complimente parfaitement tous les différents décors, même les grandes dunes de sable où nous passerons la nuit. En effet, le parc national des « Great sand dunes » est un des endroits prisés dans le monde pour l’observation d’étoiles, l’occasion parfaite pour Jean-Phillip de prendre des photos de nuit. Quelle meilleure façon de le faire que coucher directement sur les dunes pour être aux premières loges.

Nous recommençons à marcher en discutant des « endroits » potentiels où nous camper. Nous avons 3 critères: être à l’abri du vent, être proche d’un beau point de vue et ne pas être visible depuis le visitor center (règles du parc pour empêcher la pollution lumineuse nocturne). Une centaine de pas plus loin, nous trouvons le parfait campement: un endroit bien plat avec une petite dune juste à côté pour nous cacher du vent et des autres visiteurs. De plus, la plus grande dune d’Amérique du Nord se trouve à proximité. Ce sera parfait pour le lever de soleil. Ainsi, nous installons le campement, montons notre tente et nous nous préparons à souper. Je sors les pâtes et la sauce de notre backpack pendant que Jean-Phillip installe le réchaud. Il vente tellement que nous n’arrivons pas à allumer le rond. Après plusieurs tentatives, nous réussissons à avoir une flamme, mais je doute que nous puissions manger des pâtes cuites ce soir dû aux grands vents qui dispersent la flamme et la chaleur. À mon grand étonnement, quelques minutes après, l’eau commence à bouillir. Je retire mes mots de ma bouche. Nous pourrons manger un repas chaud ce soir, un gros luxe !

Nous avons finalement décidé de réserver notre permis de camping « backcountry » la journée d’avant, ne restant que quelques permis disponibles. Le lendemain, vers midi, nous arrivons déjà sur place. Les préparatifs commencent… Sortir la tente, les sacs de couchages, préparer la nourriture, prévoir assez d’eau pour notre randonnée, etc. Nos sacs bien remplis, nous partons en direction des dunes. Nos premiers pas s’enfoncent déjà dans le sable. Cette randonnée s’annonce difficile, même si nous pouvons voir le sommet.   Nous devons parcourir 1.5 miles dans ces énormes dunes de sable pour atteindre l’arrière-pays, l’endroit où nous sommes autorisés à dormir. Cela semble peu, mais avec le sable qui s’affaisse sous nos pieds à chaque pas, le sac qui pèse sur nos épaules et la pente abrupte des dunes, cette randonnée teste nos aptitudes physiques.

Nous sillonnons à travers les butes de sable, suivant les traces de pas laissées par les précédents visiteurs de la journée. Nos pas sont lourds. À chaque colline de sable franchi, nous nous reposons, de plus en plus motivé d’arriver en haut de la dune la plus haute. L’arrière-pays se trouve derrière les hautes dunes, il faut donc les franchir afin de pouvoir installer notre campement. Après une heure de marche, nous sommes finalement au sommet des hautes dunes. Le soleil commence tranquillement à se coucher et celles-ci prennent une teinte dorée. On dirait que la nature veut nous récompenser pour nos efforts avec la grandeur et la beauté du paysage. Mais il nous reste encore à trouver un endroit pour dormir. 

Le froid de la soirée commence à m’envahir. Le soleil étant couché, il ne nous reste que nos vêtements et nos sacs de couchage pour nous garder au chaud. Nous mangeons à l’intérieur des couvertes dans la tente. Mon corps ne veut plus sortir de là, mais nous devons regrouper nos effets personnels pour la nuit. Une fois sorties de la tente, nous remarquons tout de suite la lune brillante et les étoiles dans le ciel. Bravant le froid, Jean-Phillip s’installe pour prendre des photos longues expositions des dunes et du ciel. Je profite du paysage, puis décide d’aller me coucher étant épuisée de notre journée. 

Le lendemain, après une courte nuit de sommeil, nous nous levons vers 6h du matin. Il fait encore noir et nous nous rendons sur une des plus hautes dunes pour assister au clou du spectacle: le lever de soleil. On dirait que les dunes se renouvellent chaque matin, comme si on avait effacé le passage des visiteurs la veille. Le vent a soufflé le sable laissant derrière lui un sable vierge, lisse et ondulée. Nous avons l’impression d’être les premiers à marcher dans ces dunes. Devant nous se trouve en avant-plan, les dunes que nous avons montéesla veille puis, en arrière-plan, des grandes montagnes avec, au loin, des sommets enneigés. À notre droite se trouve la grande vallée que nous avons traversée en voiture pis en arrière de nous se trouve du sable à perte de vue. Nous avons l’impression que les saisons se rencontrent ici. Les dunes de sable nous rappellent l’été, les couleurs jaunes et oranges des arbres des collines autour et l’air froid qui nous traverse le visage nous confirment que nous sommes l’automne et les sommets enneigés au loin nous font savoir que l’hiver s’en vient. 

Le soleil commence à se pointer le bout du nez. Les montagnes prennent une couleur mauve et les ombres de lumière donnent une texture particulière aux collines de sable. Roxanne est bien emmitouflée dans son sac de couchage puisque la température frôle le point de congélation. Le spectacle aura valu la courte nuit que nous avons passée et nos courbatures. Il nous redonne également l’énergie que nous avions besoin pour refaire la randonnée qui nous mènera à notre van. Passer la nuit dans les dunes de sable nous rappelle à quel point nous sommes dépendants des éléments de la nature et de notre confort. C’est une leçon d’humilité face à la force de la nature, que nous sommes que des grains de sable par rapport à l’étendue et la magnificence de notre environnement.